Les cris avaient cessé depuis quelques minutes, laissant suggérer le départ des envahisseurs ou, au moins, la fin du massacre. Les quelques sanglots qui flottaient n'étaient plus assez forts pour atteindre les oreilles de Meryl et pourtant celle-ci attendit encore de longues minutes, interminables, avant de soulever doucement le couvercle de la trappe dans laquelle elle était cachée. Un coup d'oeil dans la pièce suffit à constater que ses gardes avaient été tués, qu'ils avaient tout retourné. Le souffle retenu, elle resta immobile quelques secondes de plus. Quand, enfin, son corps accepta de bouger un peu plus, elle repoussa le morceau de bois d'un geste ferme pour en sortir. Rapidement, elle fila vers la fenêtre, longeant les murs pour constater les dégâts à l'extérieur. Des maisons brûlaient encore tandis que d'autres tenaient difficilement debout, l'herbe qui n'avait pas été piétinée était couverte du sang des corps sans vie éparpillés, quelques femmes étaient attachées, prostrées. Tout ce qu'elle avait connu avait disparu d'un claquement de doigt et le calvaire n'était pas fini puisqu'elle voyait certains de ces étrangers entrer et sortir des maisons avec les quelques objets de valeur qu'ils trouvaient. La jeune femme se retourna vers ses propres affaires, balayant du regard les onguents et autres poudres médicinales renversées, sentit son coeur se serrer en repérant son autel aux anciens dieux détruits. Ses étagères étaient renversées, ses plantes piétinées, ses amis assassinés, les efforts de son émancipation ravagés. Son coeur débordait, ses larmes coulaient malgré elle, son corps tremblait, et pourtant quand Gylbert entra brusquement, après l'avoir repérée par une fenêtre, elle trouva encore la force de lui lancer à la figure tous les objets un tant soit peu lourds qu'elle put trouver. Quelques semaines plus tard, elle tombait enceinte de Tori, persuadée qu'elle allait haïr cette enfant de toute son âme, et quand elle accoucha elle comprit que la seule véritable raison de ne pas se jeter des fenêtres du donjon de Lumière Isolée, c'était ce petit bébé.


La tempête avait déchiré les rochers pendant cinq jours de suite, ne laissant aucun répit aux habitants de l'énorme caillou qui peinait à dormir entre le fracas des vagues et le claquement du vent. Dans ces moments là, les journées paraissaient deux fois plus longues à cause de la lumière artificielle des torches pour seul éclairage. Paradoxalement, c'était là que Tori écoutait le moins ses leçons, déconcentrée par le terrible mouvement des eaux qui se passait par la fenêtre. Elle imaginait aussi sans mal la difficulté des hommes de son père à garder le fanal allumé nuit et jour. Puis son esprit dérivait vers le repas du soir, très probablement composé de poisson, de phoque ou de lion de mer. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait mangé de la viande. Mais toutes les tempêtes s'arrêtaient un jour et lorsqu'elle ouvrait les yeux après ces cinq jours assourdissants, le soleil filtrait à travers sa fenêtre, discret, pas assez puissant pour la réchauffer, mais déjà bien réconfortant. Sa couverture avait volé et elle s'était précipitée vers la fenêtre pour regarder dehors. La mer était calme, les vagues tranquilles, l'horizon semblait scintiller. Discrètement, elle ouvrait la porte de sa chambre pour se retrouver nez à nez avec une servante de sa mère, assise dans une chaise en train de broder. "N'y comptez même pas. Lady Laurin ne veut pas vous voir trempée avant le repas." Sourcils froncés, moue sur les lèvres, la gamine de huit ans lui claquait la porte au nez. Loin de s'avouer vaincue, elle filait vers sa fenêtre et grimpait sur son rebord pour regarder en bas. Dans sa tête d'enfant, les conditions pour descendre en toute sécurité étaient réunies et Tori brava le vide en dessous d'elle jusqu'à se retrouver à une hauteur assez raisonnable pour se propulser vers le bas et plonger dans la mer.


Entre les éclats de rire et la musique, tout semblait flou, nébuleux. Voilà des heures que Tori dansait, loin de la bienséance qu'on attendait d'une future femme convenable, mais si au début elle avait eu droit à quelques regards perplexes de la part de leurs invités, ces derniers semblaient s'être souvenus que les Vendeloyn étaient... marginaux, pour le dire poliment. Ils avaient d'ordinaire le droit à des surnoms moins esthétiques, le pire aux yeux de Laurin étant selkies. Le sobriquet n'était pas pour déplaire à Meryl, que l'agacement de la femme-roc rendait toujours joyeuse, d'autant que cette dernière passait son temps à critiquer l'éducation donnée à la seule fille de la maisonnée. La rivalité entre les deux femmes était plus qu'avérée et bien que Laurin semblait ne tenir aucun grief à Tori pour son existence, elle supportait très mal que Meryl ait pu taper dans l'oeil de son mari au point qu'il en ait fait une femme officielle. De cette compétition, Tori n'avait pas manqué d'en tirer parti. Petite roublarde aux idées fixes, elle obtenait de la matriarche des Vendeloyn ce que sa mère lui refusait, et inversement. Elle avait parfaitement conscience que si Laurin avait été sa génitrice, ses libertés en auraient été amoindries. Elle savait aussi que cette dernière, probablement attristée de ne jamais avoir eu de fille à façonner à son image, ne lui refusait que rarement une nouvelle robe ou du temps passé en cuisine à parfaire sa capacité à combler gustativement un homme. A contrario, Tori était reconnaissante des nombreuses leçons données par sa mère sans qui elle ne saurait probablement ni lire, ni écrire, ni compter, des connaissances que Laurin jugeait inutiles puisque le rôle d'une femme, de surcroit au sang souillé comme celui de la gamine, était de donner des héritiers à son mari et qu'il n'y avait pas besoin de réfléchir pour cela. Alors ce soir là, en compagnie des quelques personnes que la rébellion des Greyjoy avait forcé à se cacher et à qui on tentait tant bien que mal de changer les idées, elle s'oublia, sous les regards protecteurs de sa mère et de sa belle-mère, les sourires de ses frères et l'indifférence de son père.


Le corps en suspens, les yeux aux aguets, elle balayait le sable du regard à la recherche de cette petite chose si précieuse qu'elle s'amusait à collectionner. Quand elle aperçut enfin le scintillement propre à ce qu'elle convoitait, elle sourit et plongea un peu plus profondément. Quelques bulles remontaient à la surface, contrôlées, régulières. Tori ramassa la petite huitre à demi ouverte et posa ses pieds sur le tapis de sable pour s'éjecter vers le haut, remontant à la surface rapidement. A peine la tête sortie de l'eau, une vague l'engloutit pour la ramener vers le fond. Elle s'avoua vaincue et nagea quelques mètres directement sous l'eau avant de sortir à nouveau la tête de l'eau pour combler ses poumons endoloris par le manque d'air. Rassasiée, elle plongea à nouveau et répéta ce petit manège jusqu'à atteindre le pont de bois de ce qui leur servait de port, là où étaient amarrés quelques bateaux. Elle se hissa sur le ponton et se releva, sous les yeux incrédule des quelques gardes qui partageaient une bouteille. Un sourire radieux s'afficha sur les lèvres de l'adolescente de douze ans. « Je ne dis rien si vous ne dites rien. » Quelques hochements de tête entendus et les gardes détournèrent le regard tandis que Tori se faufilait dans le donjon, rejoignant sa chambre afin d'avoir tout le loisir d'extraire sa nouvelle perle qu'elle offrirait probablement à sa mère.


Cheveux au vent, sourire aux lèvres, Tori regardait sa mère s'éloigner sur le petit port de Lumière Isolée. Meryl n'avait pas été autorisée à quitter l'île depuis sa capture par Gylbert, sa vie ressemblait en tout point à celle d'une lady mais quelque part restaient ces chaînes invisibles qui la rappelaient sans cesse à son statut de femme-sel. Elle ne reverra probablement jamais sa famille et mourra dans ces murs humides. Tori, elle, était légitimée par le mariage entre son père et sa mère, si bien qu'en dehors de ses obligations elle était une femme libre. Néanmoins, elle n'avait jamais quitté Lumière Isolée sans son père. Aujourd'hui, grâce à Yohn, elle enlaçait cette liberté que sa mère s'était vue arracher. Alors tandis que le navire s'éloignait, les deux femmes se regardaient, émues. Sans s'être concertées, les deux abandonnèrent leur champ de vision seulement que l'autre ne fut plus qu'un petit point à l'horizon. Près de Meryl, Laurin s'était approchée, le cœur débordant également. "Comment fais-tu pour rester aussi sereine ? Jamais je n'aurais autorisé pareil voyage. Elle a quinze ans, elle est en âge de se marier. " L'ancienne Reed déglutit, ravalant fièrement ses larmes. "C'est justement parce que tu ne l'aurais pas autorisé que je le fais." Le regard perplexe de Laurin amusa Meryl, qui sourit face à sa concurrente directe. "Tu es une bonne mère, Laurin. Ta prudence me fait réaliser que parfois je suis trop exigeante. Elle est en sécurité, bien entourée, protégée, j'ai une confiance aveugle en ton fils. Elle aura tout le temps de se marier à son retour et je ne doute pas que tu seras de très bon conseil pour m'aider à choisir." La Vendeloyn secoua la tête de dépit sans argumenter plus. Elle aimait cette gosse comme la sienne mais ce n'était pas la sienne, et il était parfois difficile de l'oublier.


Penchée sur la table, elle observait le liquide traverser les entrailles de mouton qui servaient de câble entre le bécher et la fiole. « Pourquoi ne pas le rendre directement mortel ? » "Parce que ce n'est pas le but. Tous les acheteurs ne veulent pas se débarrasser directement de leurs ennemis, parfois il s'agit de détruire leur réputation, leurs récoltes ou de leur faire perdre toute crédibilité auprès de leurs sujets." Les yeux verts de Tori se relevèrent vers la femme en face d'elle, admirant sa beauté incroyable, les traits doux de son visage jusqu'à ses longs cheveux blonds. « Comment as-tu appris la langue commune ? » "Avec de la patience." Tori se redressa en soupirant, appuyant sur elle son regard insistant. "Mon passé m'appartient." La jeune femme serra la mâchoire mais n'ajouta rien. Elle n'obtiendrait rien de plus. En face, son professeur versa le liquide dans une fiole qu'elle ferma et la lui tendit. "Je te conseille de l'étiqueter. Chez vous, je crois que vous appelez ça "daemonium"." Tori s'appropria le poison, qu'elle observa encore quelques secondes avec admiration avant de dévier son regard vers l'alchimiste qui la regardait avec tout autant de profondeur. La nuit fut belle, sensuelle et chaleureuse. Lorsque la jeune Vendeloyn quitta les lieux au petit matin, alors que la belle Lysienne dormait encore, elle ne manqua pas de passer par le laboratoire pour emporter l'un des grimoires qui lui avait tapé dans l'oeil les jours précédents.


"Vous allez vous rendre à l'anniversaire du prince Joffrey. Tori, je te laisse trouver un présent adéquat." Les siens, faits de peau de phoques et autres armilles en os de baleine, ne faisaient déjà pas l'unanimité parmi les fer-nés, alors les continentaux... "Yohn. Tu es responsable de ta soeur. N'oubliez pas... Diplomatie et enthousiasme. Je sais que ces terres existent, il nous manque juste les navires et l'effectif." Le frère et la soeur se lancèrent un regard entendu. Les rêves de leur père étaient chimériques mais ni l'un ni l'autre n'avait le coeur de le dissuader de cette entreprise qu'il fantasmait depuis si longtemps. De plus, ils avaient là une excuse pour quitter le donjon.

Te voilà validé !

Félicitations !

Tu vas bientôt être ajouté au groupe de ta région, ce qui te donnera accès à l'intégralité du forum. Tu vas donc pouvoir commencer à RP mais aussi découvrir une partie secrète de NTK, le Passage Secret. Tu y auras d'ailleurs un sujet dédié à ta famille/organisation, créé par le MJ : il s'agit de l'espace dédié aux complots et autres manœuvres politiques, mais lis bien les règles avant toute chose. Aussi, une fois que tu verras ce sujet créé, il faudra poster (sous balises hide) pour lire le message !

Si ce n'est pas déjà fait, tu peux également rejoindre le Discord du forum pour venir papoter avec la communauté, et trouver toujours plus de RPs !

Avant de jouer, il te faudra créer le registre de ton personnage, qui recensera sa chronologie, ses liens, ses RPs... Bref, tout ce qu'il y a à savoir sur lui. Tu peux également créer des personnages précréés si tu le souhaites.

Si tu as des questions, tu peux bien entendu les poster dans la section invités ou sur le Discord, on viendra y répondre au plus vite !

En te souhaitant de belles aventures sur NTK !