Je suis né en 281 après la Conquête, au cœur du tumulte de la rébellion de Robert Baratheon, mais cela, je ne l’ai appris que bien plus tard. Mon père, Rhaegar Targaryen, était le prince couronné, l'héritier légitime du Trône de Fer. Ma mère, Elia Martell, une princesse de Dorne, m’a donné la vie à Port-Réal, sous les regards inquiets et les murmures des conspirations. C’était une époque de guerre, et l’ombre de la défaite planait déjà sur ma famille.

Je ne garde aucun souvenir de ces premiers jours, bien sûr. Ce que je sais, je le tiens de Jon Connington, l’homme qui m’a élevé et qui m’a révélé la vérité sur mes origines. Jon m’a souvent raconté comment, à peine quelques mois après ma naissance, le monde que mes parents avaient connu s’est écroulé. Robert Baratheon, le traître au cerf couronné, avançait sur Port-Réal, et ma famille, les Targaryen, se trouvait acculée.

Les derniers jours de ma famille à Port-Réal furent marqués par la peur et la trahison. Ma mère, Elia, ainsi que ma sœur Rhaenys, étaient piégées dans le Donjon Rouge, tandis que mon père se battait pour défendre ce qui restait de notre dynastie. Mais la défense s’effritait, et bientôt, les murs de la forteresse cédèrent sous la pression des forces rebelles. Ce que je vais dire est encore difficile à accepter, mais je suis né dans un monde où ma vie n'avait de valeur que tant qu'elle pouvait servir les intérêts de ceux qui m'entouraient. Je ne le savais pas alors, mais j’étais destiné à être sacrifié comme tant d’autres membres de ma famille.

Varys, l’eunuque, l’homme aux mille secrets, a été celui qui m’a sauvé. Il m'a arraché à ma famille en échangeant ma vie contre celle d’un autre enfant, un pauvre nourrisson qui a pris ma place sous les mains meurtrières des soldats Lannister. Je suis devenu une ombre, un enfant caché, tandis que l’autre enfant mourait pour que je puisse vivre. Cette histoire, Jon ne me l'a racontée que bien plus tard, mais même aujourd’hui, elle hante mes pensées. Comment est-ce possible que je sois en vie, alors que tant d’autres ont péri ?

Jon Connington, autrefois Main du Roi, fidèle ami de mon père, m’a pris sous son aile. Il avait échoué à protéger Rhaegar, et pour lui, ma survie était sa rédemption. Sous le nom de Griff, il m’a emmené loin, de l’autre côté de la mer étroite, dans les terres d’Essos. Là, il m’a élevé en secret, dans l’ombre, me préparant pour le jour où je reviendrai réclamer ce qui m’appartient de droit. Mais à ce moment-là, je n’étais qu’un enfant, ignorant de tout ce qui se tramait autour de moi.

Dans mes premières années, la vie à Essos était simple, du moins en apparence. Nous vivions sur la rhoyne, loin des regards curieux et des espions de Westeros. Pour moi, Jon était mon père, un homme strict mais juste, qui veillait sur moi avec une vigilance constante. Il m'enseigna les bases : comment lire, écrire, comment manier une épée rudimentaire. Mais plus que tout, il me répétait que je devais être patient, que mon heure viendrait. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il voulait dire, mais je sentais que quelque chose de lourd pesait sur mes épaules, même si je ne savais pas encore quoi.

À mesure que je grandissais, Jon me préparait pour ce qui m’attendait. Il m’a enseigné l’histoire de Westeros, des grandes maisons, des rois et des reines qui avaient régné avant moi. Il m’a appris les récits des Targaryen, de la Conquête d’Aegon à la chute de ma maison. Chaque leçon était une préparation, chaque histoire, un avertissement. Je me souviens de longues heures passées à lire des parchemins jaunis, à écouter les récits de dragons et de batailles, à apprendre les erreurs de mes ancêtres pour ne pas les répéter.

Mais malgré tout cela, Jon ne me révélait jamais la vérité sur qui j’étais vraiment. Pour moi, je n’étais que Griff, un enfant élevé par un homme brisé, dans un monde où le danger semblait toujours proche, mais jamais tangible. Mes rêves de grandeur étaient encore lointains, flous, comme un avenir incertain que je ne pouvais toucher.

Les premières années d’apprentissage furent dures. Jon était un maître exigeant. Dès l’aube, je m’entraînais à l’épée, à la lance, à l’arc. Mes muscles se forgeaient sous le poids de l’acier, mes mains s’endurcissaient, mes réflexes se perfectionnaient. Mais ce n’était pas seulement le combat qu’il m’enseignait ; il me formait à devenir un leader, un stratège. Il m'apprenait à penser comme un roi, à comprendre les subtilités de la politique, à voir au-delà des apparences.

Je passais des heures à étudier des cartes, à apprendre les noms des seigneurs de Westeros, leurs loyautés, leurs inimitiés. Chaque maison, chaque bannière, chaque symbole avait une signification. Jon me disait souvent que connaître ses ennemis était la première étape pour les vaincre. Mais pour moi, ces leçons semblaient parfois trop théoriques, trop éloignées de la réalité de mon quotidien. J’étais un enfant qui rêvait d’aventures, sans comprendre que ma vie en était déjà une.

C’est vers l’âge de 10 ans que j’ai commencé à comprendre que ma vie n’était pas aussi ordinaire que celle des autres garçons de mon âge. Il y avait trop de précautions, trop de secrets, trop de questions sans réponses. Pourquoi ne sortions-nous jamais de cette petite embarcation ? Pourquoi Jon insistait-il toujours sur la discrétion, sur l’importance de rester dans l’ombre ? Mes doutes grandissaient, mais chaque fois que j’essayais d’en parler, Jon détournait la conversation, me rappelant simplement de me concentrer sur mes études, sur mon entraînement.

C’est lors d’un de nos voyages, alors que je venais de fêter mes 14 ans, que Jon a décidé qu’il était temps pour moi de connaître la vérité. Nous étions en route pour Volantis, une cité où il avait des affaires à régler. La route était longue, et les nuits passées autour du feu étaient souvent l’occasion pour Jon de me raconter des histoires, de me parler de Westeros, de la famille que j’avais perdue sans même le savoir.

Cette nuit-là, cependant, son ton était différent. Plus grave, plus solennel. Il m’a demandé si je me souvenais de mes premières années, de Port-Réal. Bien sûr, je n’en avais aucun souvenir, mais ses questions ont éveillé en moi une curiosité que je n’avais jamais ressentie avec autant d’intensité. Puis, il m’a regardé, droit dans les yeux, et m’a dit les mots qui allaient changer ma vie à jamais.

« Griff, tu n’es pas ce que tu crois être. »

Le silence qui a suivi ces mots était assourdissant. J’ai senti mon cœur battre plus fort, ma gorge se serrer. Jon a continué, doucement, mais avec une conviction inébranlable. Il m’a raconté la vérité sur ma naissance, sur ma famille, sur la chute des Targaryen. Il m’a dit que j’étais Aegon, le dernier fils de Rhaegar Targaryen, l’héritier légitime du Trône de Fer. J’étais celui que tout le monde croyait mort, mais qui avait été sauvé pour un jour revenir et réclamer ce qui m’appartenait de droit.

Je me souviens avoir ressenti un mélange de choc, de colère, et de peur. Comment pouvais-je être ce Aegon dont il parlait ? Comment pouvais-je être destiné à devenir roi alors que je n’avais connu que la vie simple et austère de Griff ? J’ai voulu crier, nier cette vérité, mais au fond de moi, quelque chose résonnait. Une partie de moi savait que Jon disait la vérité.

Les jours qui ont suivi ont été parmi les plus difficiles de ma vie. J’ai dû réapprendre à me voir sous un autre jour, à accepter cette nouvelle identité qui m’était imposée. Ce n’était pas seulement une question de noms ou de titres ; c’était une transformation profonde, une prise de conscience que ma vie avait un but, une mission. Jon m’a aidé à traverser cette période, à comprendre ce que cela signifiait réellement d’être un Targaryen. Il m’a parlé des attentes, des responsabilités, mais aussi des dangers qui m’attendaient.

À 15 ans, je n’étais plus seulement Griff. J’étais Aegon Targaryen, et je portais sur mes épaules l’avenir d’une dynastie. Mes entraînements prirent une nouvelle dimension, mes études devinrent plus intenses. Chaque jour, je sentais le poids de cette vérité sur mes épaules, mais aussi la force qu’elle me donnait.

Les derniers mois ont été une préparation incessante. Jon m’a appris à penser comme un roi, à anticiper les mouvements de mes ennemis, à jouer le jeu des alliances et des trahisons. Mais malgré tout cela, je n’étais encore qu’un jeune homme, avec des doutes, des peurs, et des rêves. Des rêves où je voyais des dragons voler au-dessus de Westeros, des rêves où je me voyais sur le Trône de Fer, rétablissant l’ordre dans un royaume brisé.

Aujourd’hui, en cette année 298 après la Conquête, je me tiens à l’aube de ce qui pourrait être la plus grande aventure de ma vie. Je suis prêt, du moins autant qu’un jeune homme de 16 ans peut l’être. Mais je sais que la route sera longue, que les défis seront nombreux. Pourtant, je sens au fond de moi que c’est mon destin. Et quoi qu’il arrive, je me battrai pour ce qui m’appartient, pour honorer le nom des Targaryen, pour montrer au monde que le sang du dragon ne s’éteint jamais.

Les vents d’Essos soufflent encore ce soir, mais bientôt, ce sera le vent de Westeros que je sentirai sur mon visage. Bientôt, je reviendrai réclamer ce qui est mien, et le monde se souviendra du nom d’Aegon Targaryen.

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