Les petits papiers de la Main | Clematis

La décision avait été prise, la veille. Un peu à la hâte, en panique, mais elle devait bien l’être à un moment donné. Et maintenant, c’était décidé. Le lendemain, au jour du tournoi de Joffrey, la Main du Roi abandonnerait sa charge en toute discrétion et quitterait cette cour de serpents.

Jon ne pouvait cesser d’y songer, à chaque seconde de sa journée. Son esprit hanté par la peur et la déception, il se demandait sans arrêt quelle erreur il avait pu commettre. Mais chaque fois qu’il retraçait le schéma des quinze dernières années, il finissait comme face à un mur. L’évidence se frayait peu à peu un chemin dans ses pensées fumeuses, lui n’avait pas fauté. C’était le Lion.

Dans un soupir, Jon passa encore une fois ses yeux sur le livre que lui avait prêté le Grand mestre – La Généalogie et l'Histoire des grandes maisons des Sept Couronnes. Et comme espérant que le contenu ait changé cette fois-ci, par rapport aux dizaines de fois précédentes, le valois ouvrit le vieil ouvrage à la page de la maison Baratheon. Brun de cheveux, le terme aurait pu paraître sans intérêt aux yeux de certains, mais pour lui… Pour lui qui avait mené son enquête, l’évidence était frappante. Le manuscrit, semblant vieux comme le monde, regorgeait de secrets : il avait trahi le pire de tous, celui de la reine.

Jon referma les lourdes pages jaunes, ses lèvres écrasant un autre soupir. Il repoussa avec amertume le livre et ouvrit un tiroir. Sans regarder son contenu, il le fouilla d’une main experte. Il avait passé tant et tant de temps à ce bureau, saisi un parchemin dans ce rangement pour l’apposer devant lui pour rédiger quelque chose.

Il rédigeait tout. Des chiffres, des comptes-rendus, des lettres… Jon pouvait parfois se montrer avare de mots, mais d’écrits jamais. Et ce jour-ci, il espérait bien rédiger une missive pour les Eyrié. Que le peu de monde qu’il restait là-bas se tienne prêt à recevoir son seigneur. Ensuite, c’est tous ses sujets qu’il avertirait. Bien qu’il fuie, dans la poitrine du seigneur, il sentait tout de même une forme de soulagement à l’idée de rentrer chez lui. Le Val pouvait sembler ennuyeux pour ceux qui se complaisaient à la cour, avec ses délices et ses festivités. Lui, n’aspirait qu’à retrouver la beauté de ses paysages et la douceur d’y vivre.

Là-bas, les montagnes le protégeraient. Il serait loin de tout danger. Mais échapperait-il longtemps à la colère de Robert, ça, il en doutait.

Au fond du tiroir, sa main gratta le bois. Il ne sentit nul papier sous la pulpe de ses doigts. Jon jeta un coup d’œil au bureau, remarquant qu’il n’avait plus de parchemin. Il expira lentement, ferma les yeux quelque secondes. Ses doigts pianotèrent sur le bois avant qu’il ne se lève à la hâte. Il avait envoyé ses plus proches serviteurs préparer son départ, et ce n’était certainement pas le moment de les déranger. Quant aux autres, il les évitait, craignant de mal mentir et de trahir son anxiété profonde.

Alors Jon accrocha à son torse sa maudite insigne de Main et fila à travers les couloirs du Donjon Rouge. Il héla le premier page qu’il croisa, posa une main paternelle sur son épaule et l’interrogea : il cherchait des parchemins, en assez grande quantité. Le garçon parut réfléchir quelques secondes avant que son visage ne s’illumine :

— Il y a bien un m’sire Staunton qui vient d’arriver avec une toute une cargaison, à ce qu’on m’a dit.
— Conduis-moi à lui.

La voix de Jon se fit ferme et profonde à la fois. Le petit hocha la tête avant de lui faire signe de le suivre. La Main du Roi pressa le pas à sa suite, filant à travers les corridors jusqu’à parvenir à la cour. Là, une charrette alourdie de caisses attendait qu’on la décharge. Jon tapota l’épaule du page en guise de remerciement et s’approcha d’un jeune homme, les cheveux sombres et bouclés, d’un pas rapide.

Durant les quelques mètres qui les séparaient, Jon songea qu’il allait devoir rester prudent. Il en était certain, il avait bien moins d’alliés que ce qu’il espérait quand les lions jouissaient d’une certaine forme de popularité.

Jon cacha comme il put son inquiétude derrière un sourire voulu affable, s’immobilisant devant le jeune homme.

— Sire Staunton ? Ravi de vous rencontrer. Avez-vous fait bonne route depuis Repos-des-Freux ?

Voilà bien deux semaines que ma lourde charrette se glisse sur les vieux pavés menant à la capitale. Selon mon père, le tournoi était un grand événement qui rapporterait beaucoup à notre entreprise parcheminière. Les gens auront besoin d'écrire plus que jamais et les ventes seront conséquentes.

Nous sommes quatre à nous être porté volontaire pour cette expédition commerciale. Sur mon chariot, il y a moi et ma mère. Quant à la cargaison de mon frère et sa femme, ils empruntent un chemin un peu différent pour être plus prêt du marché de Port-Réal.

Plusieurs seraient fortement impressionné par la capitale de Westeros. Les remparts immense et l'architecture imposant donnait à la ville un côté très luxeux, entre raffinement et prestance... mais de mon côté, amant de la nature que je suis... disons que je ne me trouve pas en mon habitat naturel. Même le château de ma famille, bien plus modeste, est la limite que je puis tolérer en terme de taille, et c'est probablement relié au fait que Repos-Des-Freux est mon lieu de naissance.

Il y a tant de bruits, tant de gens en mouvement que cela est un brin étourdissant... mais bon, j'ai un devoir envers ma famille que je me dois de remplir, alors je m'adapte au mieux. Mon convoi s'arrête enfin là ou elle doit être. Ma maman va s'occuper des chevaux alors que moi je commence à m'occuper de la cargaison... pour une courte durée. Me voilà déjà interpelé et je me retourne rapidement.

- Vous connaissez mon fief ? Vous l'avez déjà visité ? Ou alors vous avez une connaissance très approfondies des maisons de Westeros...

Et c'est dans mon petit monologue que je remarque plus attentivement mon interlocuteur... et la broche qu'il porte. Mes yeux s'ouvre grand et mon sourire l'est tout autant.

- La main du roi ! J'ai la main du roi qui viens me parler à moi ! C'est tellement génial ! Si je me souviens bien de ce que ma dit mon père... euh... la main du roi c'est... c'est pas l'homme qui a un lien quelconque avec le Val d'Arryn ? Il me semble me souvenir que vous avez un certain lien avec cette région ! Le Val.... quel beau voyage. J'y suis allé pendant un an pour y étudier la flore.... Vous avez des plantes étonnantes, vraiment ! Le Val s'est créé une place spéciale dans mon coeur s'est certain... Rougefort était fort jolie, j'ai bien appréciée... et la petite zone d'arbre non loin était une mine d'or de botanique c'était hallucinant ! Ça m'a bien donné envie d'y retourner !

Ça y est, on m'avait perdu encore. J'étais juste tellement enthousiaste de rencontrer quelqu'un ne venant pas de la couronne que je ne pouvais plus m'arrêter... allant même jusqu'à oublier à qui je parlais actuellement. Je suis si souvent entouré des miens qu'enfin avoir un contact extérieur me rendait tout heureux. Je n'arrivais pas à décrocher se sourire content de mon visage et je sautille même un peu, de temps à autre, en parlant.