You can run, but you can't hide | Ft Sariel Adarys

Sariel ignore combien de temps il supportera encore ce quotidien. Un mois depuis ce… jour, et il a l’impression que toute une éternité s’est déjà écoulée sous ses yeux. Une trentaine de jours à esquiver Ysold, à fuir Gaebril qui compte bien le forcer à accomplir son “devoir” afin d’honorer sa part du marché - quel marché ? Sa grand-mère lui a mis un couteau sous la gorge avant de le jeter dans le premier bateau en partance pour Kayce, lui montrant le second couteau qu’elle réserve pour Catriel.

Même s’il fuit, il ne rejoindra jamais Volantis avant les Adarys. Le mot aura atteint Tyrosh alors qu’il sera toujours coincé en mer, et les répercussions heurteront de plein fouet sa sœur alors qu’il n’aura toujours pas foulé le port volantain.

Il a pensé à la prévenir par une lettre, mais même s’il parvient à l’envoyer sans que Gaebril l’apprenne - et cet homme trouve toujours le moyen de tout savoir -, le parchemin ne parviendra pas entre les mains de Catriel sans avoir été lu auparavant.

Un long soupir lui échappe tandis qu’il laisse tomber son dos contre la chaume du toit. Quelques chevaux hennissent en-dessous. L’heure matinale baigne de calme le château, bien que les domestiques s’affairent déjà au travail. Sariel n’a pas raté les allées et venues des palefreniers et autres garçons d’écurie qui nourrissent les chevaux et les brossent. Les lavandières sont sorties par la poterne de l’arrière-cour un peu plus tôt, avec leur baluchon de linge sale. Les cuisines ne désemplissent pas d’activité non plus, servent le petit-déjeuner, avant de préparer le repas du midi.

Les heures défilent ainsi, lentes, mornes d’apparence, mais riches d’information. Sariel prend toujours soin à connaître les habitudes de chacun, jusqu’au simple domestique qui s’occupe de changer les bougies dans la matinée. De la sorte, il cerne les itinéraires journaliers, identifie les zones du château les moins occupées pour la journée - un processus long, qui demande du temps et de la patience. A Braavos, il a mis plusieurs mois avant de connaître sur le bout des doigts toutes les patrouilles des gardes - une connaissance précieuse pour opérer ses arnaques en toute sécurité. Alors à force, il connaître les passages détournés de Kayce, ceux qui lui permettront d’échapper à Gaebril et de se faufiler vers la ville en toute discrétion.

Le soleil est haut dans le ciel alors qu’il somnole sur les toits. De sa position, les odeurs du repas du midi titillent ses narines - du poulet rôti avec des herbes aromatiques, des pommes de terre qui ont cuit dans le jus du poulet, un ragoût qui mijote encore sur les braises… La nourriture n’est guère une faiblesse de Kayce, mais Sariel préfère encore s’affamer et esquiver les repas. Il arrive parfois à chiper de quoi manger aux cuisines, mais s’il glisse quelques piécettes entre les bonnes mains, il arrivera à avoir son propre repas directement dans les cuisines - sauf si Gaebril a déjà acheté tout le personnel du château pour s’assurer que cela n’arrive pas.

Cette possibilité le laisse d’humeur maussade, et à force de ruminer, il n’entend que trop tard l’approche d’un homme. Il sursaute, manque de dégringoler du toit, mais se stabilise rapidement sur ses appuis.

— Par la Lumière !

L’injure en meereenien lui échappe - une langue que ne parle pas Gaebril, fort heureusement - mais Sariel ne se détend pas d'un poil face à l'inconnu.

Toujours maussade, pas l’ombre d’un sourire ne déride son visage, Sariel consent toutefois à se rasseoir sur les planches non loin de lui. Aux dernières nouvelles, cet inconnu n’est pas sur la paie de Gaebril, il a l'air de connaître Ysold et il n’a pas non plus cherché à le réprimander au sujet de sa cachette.

Sariel ne la qualifie pas vraiment de cachette, plutôt comme un point d’observation pour connaître toutes les petites habitudes des domestiques de Kayce, mais il ne compte pas le reprendre.

— Vous perdez votre temps.

Comme pour preuve, il répond à la langue du commerce par la langue commune, même si son accent braavien acquis ses dernières années ressort plus qu’il ne le voudrait - plus que Gaebril le voudrait, surtout. Bien sûr, Sariel ne prétend pas avoir une maîtrise absolue de la langue commune, mais il en sait assez pour se débrouiller - et s’entêter dans son refus d’apprentissage. Quant aux us et coutumes de la noblesse Westerosii ? Il n’a jamais réussi à intégrer ceux de Tyrosh malgré l’insistance de toute sa famille. A Meereen, il s’est contenté de ce qu’il avait besoin de savoir pour servir son maître, et à Braavos… il s’en fichait comme d’une guigne.

— Alors autant gagner notre temps tous les deux, et ne pas faire ces leçons.

Il gagnerait sans doute à se montrer plus aimable envers le mestre, mais l’envie lui manque. Il ramène ses genoux contre sa poitrine et les entoure de ses bras, le menton entre les deux rotules, tandis qu’il contemple la cour. Il n’a aucune envie d’être là, à des lieues de toutes les villes qu’il a un jour considéré comme son chez lui, cerné par des inconnus qui lui rappellent à chaque instant pourquoi il a fui Tyrosh des années plus tôt.