Mariage de mai fleurit tard ou jamais

Alors que les festivités battent leur plein, Sariel n’est clairement pas assez ivre pour les supporter - à dire vrai, à part un maigre verre de vin, il n’a rien bu d’autre. Le monde s’est transformé en un festival des horreurs, un cauchemar ambulant où tout réveil semble proscrit. Cette fois, il n’a pas réussi à saboter les fiançailles, et encore moins ce mariage - Gaebril a veillé au grain. Et derrière les rares sourires de convenance qu’il aborde pour noyer le poisson, la nausée lui serre déjà les tripes alors que le pire reste encore à venir. La nuit s’annonce douloureuse, et à moins de boire comme le dernier poivrot d’une taverne pour n’en garder aucun souvenir, il n’y échapperait pas. Le regard brûlant de l’homme de main de sa grand-mère ne l’a pas lâché depuis la veille, pour s’assurer qu’il n’essaierait pas de s’échapper le jour j.

A ses côtés, Ysold Kenning rayonne - ou à défaut, possède une bien meilleure maîtrise que lui pour dissimuler ses réelles émotions. Sariel n’en sait rien. Il ne prétend pas la connaître, encore moins comprendre ce qu’elle ressent vis-à-vis de toute cette situation. Il a beau être là depuis des semaines, il n’a pas cherché à se rapprocher de son “épouse”.

Et pour l’heure, elle se soucie davantage de son père, lord Kenning, d’ordinaire trop malade pour quitter le lit.  

Du bout de la fourchette, Sariel pousse les quelques morceaux de nourriture qui restent dans son assiette. Il s’est forcé à manger, pour ne pas paraître suspect lors de ce jour de “joie” - mais il ne trouve aucune réjouissance dans cette journée. Même la présence de son père et de sa sœur ne suffit pas à lui arracher un sourire, pas alors que sa grand-mère lui jette par-dessus sa coupe de vin des regards acérés.

A choisir, il aurait préféré que les Adarys ne mettent pas les pieds à Kayce. La présence d’Isilys lui colle froid dans le dos - comme si Gaebril ne suffisait pas comme chaperon. Il n’a aucune certitude de décrocher un moment en tête-à-tête avec Catriel, alors qu’il n’a plus vu sa sœur depuis des années - et qu’elle l’a cru mort pendant tout ce temps.

Il croise d’ailleurs son regard, et elle lui adresse un fin sourire dont elle a le secret ; de quoi chasser l’angoisse une poignée de minutes.

Un instant volé qui se brise lorsqu’un Lannister s’approche de lui pour lui transmettre la convocation de Tywin Lannister à voix basse. Sariel se retourne pour le dévisager - il a mangé son nom - mais les mots lui manquant, il se contente de hocher la tête. Il ne connaît pas grand chose à la politique de Westeros, mais Gaebril lui a assez rabroué les oreilles avec le nom du suzerain de l’Ouest.

Il glisse trois mots d’excuse à Ysold, car le regard de son chaperon ne le lâche pas, puis il s’éclipse dans les couloirs. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine - que lui veut le seigneur de l’Ouest ? Il prend d’ailleurs cinq minutes pour retrouver un semblant de calme avant de gagner les jardins que lui a indiqués le Lannister.

Sariel n’a jamais cette partie des jardins - le bois sacré. L’endroit lui file la chair de poule, en particulier à cause de cet arbre blanc au visage sanguinolent. Ses yeux s’attardent d’ailleurs sur le barral, mal à l’aise, avant de se concentrer sur Tywin Lannister.

— Mon seigneur… il se racle la gorge pour se donner un brin de contenance, surtout parce qu’il fait l’effort de chasser son accent braavien qui reste encore. Je vous remercie.

Un semblant de politesse, alors qu’il ignore sur quel pied danser. A nouveau, son regard se tourne vers le barral, avant de dériver sur l’horizon.

— Les Anciens Dieux, il me semble ? Avant d’arriver ici, je croyais que ce culte se trouvait uniquement au Nord.

A dire vrai, ses connaissances en matière de religion s’avèrent bien lacunaires, et Sariel n’a pas la moindre envie de les combler. Toutefois, il s’interroge sur ce qui est pire : aborder ce sujet qu’il déteste, ou en venir à la raison de cette convocation ?