entangled ♦ ft. Varys

— entangled. —

Le soleil brille au zénith, en cette chaude journée d’été, une touffeur implacable étrangle la cité entière, comme une chape de plomb, qui leste chaque mouvement, rend l’air irrespirable et les hères misérables. Peu désireux de musarder dans les méandres de Port-Réal lors de telles chaleurs, Baelon a tout simplement choisi, à nouveau, de rester sur son navire, seul. La légère brise de la Baie rend la température plus tolérable et l’air salin camoufle, en partie, les remugles de la capitale. Dans une solitude agréable, le Celtigar est un couché dans un hamac de lin tissé, suspendu par des cordes tressées, accrochée au sommet de la cabine et au mat du vaisseau ; avec satisfaction, il feuillette un vieil ouvrage traitant des plus grandes batailles navales de Westeros et d’Essos, qui ravissent son intarissable curiosité, tout en sirotant un vin sucré de la Treille.
Si, depuis son arrivée à Port-Réal, le Celtigar s’est fait violence pour s’extirper du cocon de confort qu’est son navire, pour nouer des liens avec ses pairs – pour, somme toute, offrir bonne face au royaume -, tout cela lui pèse abondamment, lui coûte fameusement en énergie et en bonne volonté, étant devenu, au fil des ans et au gré des vicissitudes de son existence, quelque peu misanthrope. Dès lors, lorsque ses responsabilités le lui permettent, Baelon n’aime rien de mieux que de se retrouver en sa seule présence, de s’adonner à des plaisirs simples.

Le bois du ponton craque légèrement, sous les pas feutrés d’un invité importun, trouble la quiétude du chevalier. Du coin de l’œil, l’héritier de Pince-Isle guigne l’arrivant et, malgré les années, reconnait immédiatement la dégaine du Maître des Chuchoteurs. Il n’esquisse pas un geste, ne souffle pas un mot, ses yeux se refocalisant sur le livre, laissant l’énigmatique personnage embarquer. Durant de longues secondes, dans un silence pesant, le regard du valyrien saute de ligne en ligne, jusqu’à terminer le paragraphe, puis, enfin : « Lord Araignée. » dit-il d’une voix peu cordiale, suintante de morgue. Le grimoire se referme avec un claquement sec, Baelon se redresse, pivote sur son hamac, plante fermement ses pieds à terre, pose ses coudes sur ses genoux, croise les bras, darde sur l’intrigant un regard froid. « Je vous attendais mais point aussi tôt. » Il s’attendait à ce que Varys l’aborde, au cours du tournoi, à un banquet, par exemple, mais pas à ce que l’eunuque ne se donne la peine de se déplacer jusqu’à lui ; si, par le passé, leur entente a duré dans le temps, fructueuse pour les deux partis, Baelon sait qu’il n’a été qu’un petit pion dans un vaste, vaste échiquier. « Que me vaut l’honneur de votre visite, Lord Varys ? » demande-t-il sur un ton plat. Le maître des chuchoteurs a toujours prétendu œuvrer pour le bien du royaume mais a troqué, sans guère de récrimination, le Dragon pour le Cerf ; et c’est avec une infinie hypocrisie que le Celtigar le juge, ayant fait exactement de même. « Ou est-ce mon écuyer que vous vouliez voir, pour le retourner contre moi ? » demande-t-il avec un sourire mauvais, faisant allusion à leur accord d’antan. Malgré le venin de sa voix, Baelon pose sur un tonneau proche son livre, tend à son interlocuteur sa propre coupe de vin, signe qu’il est prêt à écouter celui qui tire les fils des plus grands de ce royaume.

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