Dans les ténèbres de la crypte - Roose Bolton

Les chiens aboyaient bruyamment et fonçaient dans les ronciers en quête de leur proie. Les chevaux galopaient derrière eux, ils étaient moins efficaces pour s’engouffrer dans la forêt dense qui se trouvait sur les terres de Fort-Terreur. Un frison à la robe noire se démarquait de tous les autres, son cavalier le faisait avancer avec agilité, suivi par d’autres montures plus modestes. Tous étaient vêtus de noir et on pouvait voir sur leurs vêtements de cuir l’emblème de l’Ecorché. C'était une chasse conventionnelle. Trop conventionnelle pour Ramsay Snow, mais il ne pouvait pas toujours pratiquer ses loisirs préférés. Sinon où serait le plaisir et surtout, il devrait répondre de ses actes et il n’en avait pas particulièrement envie en ce moment. Il devait contenir le plus possible la bête en lui pour atteindre ses objectifs. Ainsi, la proie n’était qu’un sanglier. L’animal était traqué par ses limiers et bientôt il serait acculé. Bêtes, comme humains, ils finissaient toujours pas renoncer à cause de la fatigue. A croire, qu’à leurs yeux, leur vie n’en valait pas la peine. C’était bien dommage, mais parfois, de temps en temps, certains se battaient, allaient jusqu’au bout de leurs forces, tout en combattant les limites physiques. Ces chasses étaient mémorables et Ramsay reconnaissait enfin la valeur de la victime. La traque du jour était décevante, heureusement le terrain était un défi en lui-même, sinon le Bâtard aurait renoncé à poursuivre cette entreprise et puis, il fallait bien que ses chiens se dégourdissent les pattes.
Au loin, le grognement du sanglier se fit entendre. Le son était empli de désespoir et les aboiements des chiens étaient plus nerveux. Ramsay sourit et conduisit son cheval jusqu’aux cris.
La bête était là, entourée par les chiens du Bâtard, ils étaient agités et certaines de ses plus ardentes femelles sautaient sur l’animal et le mordaient. Le sanglier tentait bien de se défendre à coup de canines. Ramsay descendit de son cheval, tout comme ses Gars qui l’accompagnaient lors de chacune de ses chasses. Il se dirigea vers la chef de la meute, celle qui mettait le plus de coeur à vouloir mettre en pièce le sanglier.

“ Au pied Jenny !” ordonna-t-il froidement et la bête se mit aussitôt en position assise, non sans montrer les crocs vers le sanglier. Les autres chiens firent de même et Ramsay flatta la tête de celle portant un nom si peu commun. Un nom rempli de souvenirs mémorables pour le Snow.
“ Bien.” encouragea t-il.
Ramsay sortit son poignard de son étui et il avança vers le sanglier qui était à bout de force. D’un geste précis, le Bâtard enfonça son arme dans la gorge de l’animal qui rendit l’âme quelques minutes plus tard. Les chiens étaient agités, l’odeur du sang les excitait, mais cette viande de qualité n’était pas pour eux.
“Ben, occupe-toi des chiennes. Grogne fait emmener le sanglier jusqu’aux cuisines, il y aura du gibier ce soir au repas !” ordonna Ramsay avant de remonter sur son cheval. La chasse était terminée et même si elle fut animée, elle ne lui avait apporté aucun réel plaisir. Peut-être que l’une des servantes serait capable de remédier à cela.

“ Ramsay, lord Bolton souhaite vous voir dans la crypte.” fit un serviteur alors qu’il venait à peine de descendre de son cheval. Le Bâtard laissa la monture être conduite jusqu’aux écuries par un palefrenier, puis il prit le chemin de la crypte, non sans envoyer un regard moqueur vers Schlingue. Qu’avait-il bien pu faire pour que son géniteur requiert sa présence et en plus dans les cryptes. S’il y avait bien un lieu lugubre après les souterrains, c’était cet endroit. Il passa les grilles et s’enfonça dans les profondeurs de Fort-Terreur, là où les Rois Rouges et leurs descendants gisés. L’endroit était éclairé par des torches, signe que quelqu’un s’y trouvait. Ramsay ne s’attarda pas devant les statues et les tombes de ses ancêtres. Certains étaient des braves, d’autres des lâches comme Rogar Bolton qui avait ployé le genou face aux Stark. Ils n’étaient plus que des os, des reliques d’un passé révolu et les yeux de Ramsay n’étaient pas tournés vers le passé, mais vers l’avenir. Son avenir.

“ Père.” fit-il en voyant la silhouette sombre de son géniteur face à la tombe de Domeric Bolton. Ramsay posa son regard sur ce qui restait de son demi-frère sans montrer la moindre trace de culpabilité. Il n’y avait rien à regretter, surtout en sachant que les conséquences de son acte l’ont conduites là où il était aujourd’hui.
“ Vous m’avez fait demander ?” questionna Ramsay tout en observant la mine sombre de son père. Jamais Roose Bolton ne souriait, encore moins quand il était en présence de son bâtard.

Son regard sombre était posé sur le tombeau de ce demi-frère qu’il avait envoyé de vie à trépas quand l’occasion s’était posée à lui. Ramsay n’avait eu aucun remord à éliminer ce frère si naïf, même s’il avait été le seul à l’époque à le reconnaître comme étant du sang des Bolton. Domeric avait stupidement cru en la gentillesse de Ramsay, ce qui démontrait bien qu’il était d’une faiblesse inquiétante qui aurait pu faire perdre toute gloire à la famille Bolton. Il n’avait pas hésité à l’époque. Bien qu’il bénéficiait d’une vie plus confortable que certains paysans, cela ne lui avait pas suffit. Ramsay avait toujours voulu plus et sa mère avait toujours été dans ce sens. Depuis qu’il était en âge de comprendre, elle lui avait soufflé qu’il était un Bolton et qu’un jour il serait à la tête de cette sombre forteresse. Il aurait donc été difficile, pour ce jeune homme, rempli d’ambitions, de se contenter d’une simple vie de meunier, alors qu’une existence de seigneur l’attendait. Les Anciens avaient été de son côté en mettant Domeric Bolton sur sa route et aujourd’hui, il était dans le château, alors que le fils légitime se trouvait dans un tombeau.
Il avait les mêmes yeux que son père et Ramsay ne cilla pas quand son regard croisa celui de son géniteur. Roose Bolton avait toujours eu un regard aussi glacial que son cœur, mais cela n’avait jamais inquiété Ramsay.

“ Je suis venu.” répéta Ramsay en copiant la voix basse de son père. Il ne put s’empêcher de sourire quand celui-ci fit remarquer qu’il revenait de la chasse. Une chasse qui était moins captivante que certaines qu’il avait pu faire. C’était une évidence.
“ Nous aurons du sanglier ce soir à notre table, je l’ai fait envoyer dans les cuisines pour qu’il soit préparé. J’espère qu’il vous plaira, il avait l’air tendre quand je l’ai achevé en lui tranchant la gorge.” répondit le jeune homme tout en éludant le sujet vers lequel son père voulait l’amener. Cependant, il ne put le faire bien longtemps, puisque comme il s’y attendait, si Roose Bolton l’avait fait venir à lui, ce n’était pas pour le complimenter pour ses talents de chasseur, mais bien pour lui faire une leçon de morale, de père à bâtard.
Ramsay écouta chaque mot, sans sourciller, même quand la voix de son père devint aussi glaciale que le froid de l’hiver. Il savait tout cela, il avait conscience que ses déviances pouvaient être un frein à son avancement. Les freiner ? C‘était possible. Les arrêter ? C’était plus compliqué. Il entendait et comprenait. Des vies pour renforcer la maison Bolton, il les prendrait volontiers si seulement on lui laissait l’opportunité de les prendre.

“J’entends père. Je ferai preuve de plus de mesure à l’avenir.” fit humblement Ramsay, tout en baissant le menton en signe de soumission. Il allait surtout devoir se montrer plus discret pour ne pas alerter son père. “ Il est difficile de ne pas connaître ma place, on me la rappelle depuis que j’ai respiré pour la première fois. Je suis votre bâtard, mais je sais aussi que je suis le seul fils qui vous reste. Je demande que cela de servir, d’honorer et de faire grandir cette maison qui est la mienne.” déclara le jeune homme en redressant le menton pour croiser le regard de son père.

Son père recula, le laissant seul face à Domeric. Une pierre froide. Un tas d’os dans un tombeau. Il n’était plus rien, alors qu’il était tout. Il abandonna sa contemplation de la pierre pour suivre son père qui quittait les lieux.

“ Bien père.” répondit-il seulement en se mettant dans le sillage de son géniteur.

Des actes réfléchis et calculés qui servent les intérêts de la famille Bolton. Ramsay aimerait bien pouvoir servir les intérêts de Fort-Terreur, mais à quoi cela pouvait-il bien lui servir alors qu’il n’était qu’un Snow et qu’il n’était pas encore en passe d’être légitimé. Il n’y avait eu aucun signe de la part de son géniteur, aucun mot qui aurait pu le conforter qu’un jour il serait à la tête de ces terres ancestrales. Ramsay n’était pas impatient, mais Roose Bolton avait de l’âge et un accident était si vite arrivé. Un sanglier à la chasse, des sauvageons, une mauvaise chute, tout pourrait arriver à cet homme si vaillant et l’ébranler comme ça du jour au lendemain. Ramsay pensait à son avenir et savait que même si beaucoup de monde le reconnaissait comme étant un bâtard de Roose Bolton, peu l’accepterait à la tête de Fort-Terreur s’il n’en avait pas le nom. Le jeune homme aurait très bien plus répliqué face à son père et lui quémander qu’il demandait que cela, de servir les intérêts de la famille, mais Ramsay Snow ne réclamait pas, il faisait preuve de patience et attaquait au moment propice. Un jour… Voilà ce qu’il se disait en pensée. Un jour…

“ La peur n’est-elle pas le meilleur moyen de gouverner les hommes. Royce II Bolton a semé la terreur en incendiant Winterfell et s’est attiré le respect de toute la famille. Royce IV plongeait le bras dans le ventre de ses ennemis. Enfin, il y a vous père, vous suscitez à la fois peur et respect. En quoi suis-je différent ? La peur engrange le respect et si les hommes ne me respectent pas, c’est bien parce que je porte le nom de Snow et non celui de Bolton.” plaida Ramsay qui avait toujours pris soin de connaître ses ancêtres de la maison de l’Ecorché. Il était le dernier des fils Bolton encore en vie. Le plus vigoureux, le plus à même à comprendre ce qu’était d’apporter de la grandeur à sa maison. Domeric ne l’aurait jamais fait. Il n’était qu’un faible et il était fort probable qu’il aurait suivi les pas de Rogar Bolton en s’agenouillant face aux Stark. Si les Anciens avaient accordé la vie à Ramsay et la mort à Domeric, c’était bien parce que sa place se trouvait en ces lieux et non pas dans une petite chaumière de meunier à moudre du grain. Il était bien plus que cela.
“ Je demande que cela de vous servir père et de servir cette maison. Que les Anciens m’en soient témoin, j’ai bien plus à coeur la grandeur de cette maison que n’importe quel Bolton qui vous a précédé.” Il marqua un temps de pause, baissant le regard de façon modeste, alors qu’en lui un feu ardent bouillonnait.
“ Je ferais en sorte de mettre au chenil mes désirs personnels, si tel est ce que vous me demandez.” continua humblement le jeune homme. Toutefois, il en était certain, pour l’avoir déjà fait par le passé, à trop vouloir contenir la bête, elle finit toujours par revenir et bien plus dangereuse que par le passé.