[Près de Winterfell] A Lord's Duty ft. Arya

Le vent frais du Nord sifflait entre les branches des arbres qui entouraient les abords de Winterfell, apportant avec lui un parfum de terre humide et de feuilles en décomposition. Chaque bruissement dans le sous-bois attirait l’attention de Roose et son regard pâle et terne. Trois de ses hommes l’accompagnaient, silencieux, peu désireux d’établir un semblant de conversation, tenus à une distance respectueuse.

Eddard Stark, son suzerain, l’avait convoqué à Winterfell dans le but de discuter de la sécurité dans le Nord. Sujet bien vague, Roose savait ses terres parfois en proie à un vague.. Sentiment d'insécurité, chez certains habitants. Il lui tardait donc de voir si ce serait abordé par Lord Stark. Diligent vassal s’était donc mis en route dès réception du parchemin porté par faible corbeau.

Les heures de trajet furent longues et parsemées de plusieurs arrêts dans diverses tavernes et campements improvisés. Pourtant, l’attention de Roose reste la même. Présente, et perçante. Un éclat de mouvement capte son attention, entre les troncs, le bruit qui l’accompagne fait s’orienter l’homme à cheval dans sa direction.

Une silhouette frêle mais déterminée, et près d’elle, un chiot. Indéniablement un des enfants Stark, et à y regarder plus précisément, la jeune Arya. Il sourit. La gamine connaît probablement ces bois comme sa poche, mais malheureusement pour elle, Roose y voit une occasion de bien se faire voir auprès des parents de la petite. Il n’était pas du genre à passer à côté d’une telle opportunité, même si ça ne tenait qu’à lui, il l’aurait laissée, livrée à elle-même, peu soucieux de son sort.

D’un geste de main, il intime à ses hommes de rester en arrière, et avance seul vers l'improbable duo. Le jeune loup semble rapidement sentir sa présence et se met à grogner, les yeux rivés en sa direction. Roose ne daigne pas regarder la brave bête qui, plus elle semblait agressive, plus il la supposait susceptible de faire un superbe paillasson. “Lady Arya,” il commence pour annoncer sa présence, la voix calme mais teintée d’une autorité naturelle. Il ne prend pas non plus la peine de se présenter, à elle d'en déduire ce qu'elle souhaitait en vue de son blason si jamais elle ne se souvenait plus de lui. “que faites vous si loin de Winterfell ?”

Ils n’en sont pas si loin. Mais suffisamment pour que sa question soit légitime. Un sourire étire ses lèvres mais n’arrive pas jusqu’à ses yeux. “Votre famille doit être en train de vous chercher.” Roose doutait effectivement du fait que le noble Ned Stark n’autorise ses chiards à gambader gaiement aussi librement en dehors de leur demeure, sans surveillance. Une chance pour lui. “Ce serait un plaisir et un honneur de vous raccompagner chez vous. Il ne serait pas bon que Lord Stark ait à s’inquiéter inutilement de votre absence.”

Roose observe la jeune fille pendant un moment, silencieux. Derrière son masque d’impassibilité, il tente de savoir ce à quoi elle peut bien penser.

Elle sait qui il est. C’est déjà ça. Il hoche la tête poliment, la toise toujours depuis son cheval gris. Cherchait-elle déjà une échappatoire ? Elle n’était qu’une jeune enfant, mais une Stark. Il se devait donc de lui réserver un certain respect. Roose n’avait jamais eu grande patience avec les enfants. Même les siens. Pas qu’il ait vraiment eu à s’occuper de Ramsay lorsque celui-ci était enfant. Mais Domeric avait parfois pu faire les frais de la froideur de son paternel, préférant observer les diverses étapes de son éducation plutôt que de les assister. Il ne s’en était cependant jamais plaint, brave garçon qu’il avait été.

Mais l’heure n’est pas à la nostalgie. Son regard se porte sur la bestiole qui l’accompagne. Un louveteau, bien jeune, mais qui avait très certainement le potentiel de devenir une bête redoutable si correctement encadrée, d’ici quelques années. Peu sage de confier sa garde à une enfant, mais soit. “Je vois ça,” Il commente, semble peu impressionné. “je vous trouve tout de même bien jeune pour prétendre à une aventure aussi loin des murs de votre demeure. Les bois du Nord peuvent se révéler traîtres.” Même pour ceux qui les arpentaient régulièrement.

“Vraiment ?” Il hausse un sourcil, puis sourit, toujours aussi peu sincèrement. “Permettez-moi d’en douter.” Il ne souhaite pas prendre de pincettes, car à quoi bon. L’enfant semblait terriblement bornée, il serait difficile de l’amadouer, et Roose préférait de loin user de la diplomatie avec des pairs de son âge. “Il est de mon devoir, en tant que vassal de votre père, de m’assurer de votre sécurité si cela se fait nécessaire. Et cela me semble plus que nécessaire. Livrée à vous même, dans ces bois, avec un chiot pour seule compagnie.. Vous abandonner serait irresponsable.”

Terriblement. il est, heureusement, un homme patient. “Je ne saurais souffrir les reproches dont on m’accablerait s’il vous arrivait quoi que ce soir. Alors, si vous êtes sûre que vos parents savent où vous vous trouvez, je vous demanderais tout de même de me suivre, ne serait-ce que pour me rassurer. Nous pourrons parler de vos habiletés à la chasse sur le chemin du retour.”

Il ne cligne pas des yeux quand la jeune enfant affirme sa confiance en son animal de compagnie, et dans les patrouilles de son paternel. Naïveté compréhensible bien pas fort tolérée par l’homme, qui se contente d’un léger sourire. “Votre confiance est admirable,” Sa voix reste douce bien que teintée d’une certaine menace sous-jacente. “Mais le Nord est vaste.”

Une contrée peu commode, mais Roose s’en était toujours contenté. “Même  les meilleures patrouilles ne peuvent pas être partout à la fois. Il suffit d’un moment d’inattention pour que la situation tourne au drame..” Ce n’était pas une menace. Un simple fait. Les sourcils froncés, la fillette avait l’air sévère, et à l’instant même, elle lui faisait peut-être même un peu penser à Lord Stark lui-même, ce qui n’avait peut-être rien d’étonnant mais qui avait quelque chose d’assez amusant. “Ah, est-ce donc comme cela que vous avez été éduquée ? Six ou sept lieux ne vous paraissent pas une distance si importante ? Vous avez l’esprit vif, Lady Arya. Mais je crains qu’il ne vous manque encore quelques connaissances acquises avec l’âge.” Subtil rappel et conseil, celui d’écouter ses aînés. Même si comme ça, il avait bien l’impression que ce n’était pas le genre de la jeune dame.

Lorsqu’il voit le jeune loup s’élancer dans les bois sur l’ordre de sa maîtresse, Roose fait un geste à l’un de ses hommes pour qu’il garde un oeil attentif sur l’animal. Il ne la craignait pas, mais n’était pas homme à laisser quoi que ce soit au hasard. En particulier une bête aussi imprévisible. Son attention se porte à nouveau sur Arya, l’observe de la tête aux pieds avec un oeil critique.

“Vous faites le bon choix,” Commente-t-il avec un très léger sourire quand elle accepte de le suivre. Par respect et politesse, il descend de son cheval pour le céder à la gamine. Espère un moment qu’elle ne s’enfuira pas avec, mais il savait la bête loyale, et ses deux autres hommes toujours attentifs. “Vous avez tout le potentiel pour devenir une grande dame du Nord, Arya Stark. Mais pour cela, il vous faudra plus que la bravoure du loup. Un peu de sagesse ne fait jamais de mal.” Le chemin vers Winterfell s’étendait devant eux, long et froid, mais Roose n’était jamais pressé.

Les terres les plus plus sauvages. Les termes choisis par la jeune fille sont on ne peut plus corrects, si bien que Roose ne peut s’empêcher un léger soupir amusé. “Vous n’avez pas idée à quel point.” Elle ne semble pas fort ouverte à la discussion, Roose ne compte absolument pas insister, et la laisse prendre place sur son cheval,suit sans difficulté le rythme peu pressé du canasson.

Il sourcille aux paroles d’Arya, peu surpris. Vu le caractère qu’elle semblait avoir, qu’elle déclare autre chose lui aurait semblé plus surprenant. “Ah oui ? Et que comptez-vous donc devenir ?” Demande-t-il comme si les femmes n’avaient d’autres choix que de devenir des Dames. Comme si le sujet l’intéressait réellement.

Enième mention de Lyanna Stark ces dernières années. Rares sont les personnes à avoir autant marqué les Sept Couronnes. Une fin tragique, pour une jeune femme qui aurait probablement mérité bien mieux. “Une vraie guerrière du Nord.. Comptez-vous finir comme elle, aussi ?” Question désagréable qu’il aurait pu s’abstenir de poser, il ne souhaitait pas spécialement de réponse. Une simple envie de rappeler que la naïveté n’avait pas lieu d’être dans ce monde, et que sous ses airs de bienveillance, il ne se préoccupait en réalité pas énormément de la jeune fille. Peut-être avait-il au contraire eu une certaine volonté de lui faire avoir une prise de conscience.

Enfin, il doutait que ça puisse vraiment avoir l’effet escompté. A part donner à la gamine l’envie de ne plus lui parler du tout. Ce ne serait peut-être pas si mal. Le reste du voyage jusqu’à Winterfell serait long et silencieux, mais Roose n’avait jamais détesté le silence. Qui dit silence dit calme, et le calme était bien une chose dont il pouvait avoir besoin, là tout de suite.

Roose est un homme patient. Les années l’ont aidé à forger cette tolérance. Mais cette patience était parfois mise à rude épreuve, lorsqu’il se retrouvait en compagnie d'individus à la conversation qu’il jugeait moindre. Mais était-il en droit de la blâmer ? Arya, malgré son sang noble, restait une enfant, et voilà bien des années qu’il n’avait plus eu à interagir avec un enfant. S’il n’avait pas vraiment eu son mot à dire quant à l’éducation de Ramsay, il s’était montré exigeant avec Domeric. Roose n’imaginait pas Ned Stark, aussi inflexible soit-il, se montrer particulièrement dur avec sa progéniture. Une petite sauvageonne, sans doute, aux manières grossières et sans la finesse attendue d'une dame du Nord. Rien de commun avec Domeric, pensa Roose. Il avait été parfait. Un modèle de tempérance et d'obéissance. Jamais il ne se serait permis de vagabonder ainsi, loin de Fort-Terreur, sans sa stricte surveillance ou celle de ses gardes. Mais le garçon n'était plus. Il ne restait que les comparaisons amères.

Il songe à surenchérir, juste pour observer la réaction de la jeune Stark, la voir tenter de trouver une réponse, la mettre mal à l’aise – un passe-temps qui avait tendance à l’amuser. Il en avait l’envie fugace, une cruauté ordinaire, qu’il aurait à peine reconnu comme telle. Mais cette fois-ci, il décida de n’en rien faire. Cela n'aurait rien rapporté. Enfant, encore bien trop jeune pour saisir toute l’étendue des jeux du pouvoir dans lesquels elle se trouvait plongée. Une cruauté inutile ne servait à rien ici. “Sages paroles.” déclare-t-il d’un ton lisse, sans chaleur et sans froideur. Aussi sages puissent-elle être, Roose manque de soupirer quand elle descend du cheval pour retrouver sa louve. Le trajet vers Winterfell s’étirait plus qu’il ne l’aurait souhaité, et pour quoi ? Des enfantillages. Mais soit. Peut-être apprendrait-il quelque chose de plus sur cette jeune fille en observant ses liens avec cette bête sauvage.

Il détourna lentement le regard vers la louve qui revenait triomphalement avec un maigre lapin entre les crocs. Ce n’était rien d’impressionnant en soi, mais pour un animal aussi jeune, cela démontrait une certaine maîtrise. Le regard de Roose s’attarda un instant sur l’animal, remarquant sa docilité relative. Elle était dangereuse, sans aucun doute, mais elle semblait obéissante.

“C’est une belle prise”, dit-il enfin, la voix toujours aussi mesurée. “Elle montre déjà de l’obéissance.” Mieux valait cela que l’inverse. Un loup incontrôlable serait un danger, et pas seulement pour ceux qui se trouvaient en dehors du cercle de la famille Stark. Il savait combien un animal pouvait refléter la nature de son maître, et il était curieux de voir si le caractère d'Arya pourrait réellement dominer cette bête à mesure qu’elle grandirait.

Roose remarqua le regard incrédule du garde à qui la gamine avait confié la dépouille du lapin. Il se contenta d'ignorer l'homme. Ses yeux se posèrent à nouveau sur l’enfant rebelle qu’il était forcé d’accompagner pour des raisons qui, pour l’instant, échappaient aux explications simples. La louve gambadait, insouciante, autour d’elle, et Roose pouvait deviner l’attachement qu’elles avaient l’une pour l’autre. Peut-être un jour, cette bête servirait-elle à autre chose qu’à jouer avec des papillons ou attraper des lapins.

“Eh bien, je ne peux que vous souhaiter que votre famille prête attention à votre avis”, reprit-il, en appuyant à peine sur le sarcasme latent qui flottait. Les Stark, après tout, étaient connus pour leur loyauté entre eux, mais Roose n’était pas dupe. Il savait combien même les familles les plus unies pouvaient négliger les voix des plus jeunes ou des moins influents. “J’admire votre conviction.”